Date du jour :30/12/2024

Occupation et  premières activités à Sainte Marie au XVIIème siècle

Jacques Petitjean Roger et Eugène Bruneau Latouche, dans une grande étude publient «personnes et familles à la  Martinique au XVIIème siècle ». Cette recherche est réalisée à partir des premiers recensements et terriers  du XVIIème siècle. C’est un document de référence pour l’étude des premiers habitants de la Martinique.

Les premiers habitants sont les kalinagos, qui vivaient dans l’ile depuis de nombreuses années et qui ont été expulsés pour la plupart par les colons français. Après avoir refoulé ces autochtones vers l’Est, le rythme d’occupation de l’ile par les français  s’accentua à raison de 300 habitants environ en plus chaque année. Ils travaillaient sur les petites habitations et cultivaient en particulier du pétun pour l’exportation mais aussi des vivres pour la consommation dans la colonie. Ces nouveaux venus sont des  blancs appelés engagés ; ils travaillaient pour un seigneur propriétaire et s’engageaient pour 36 mois ; A l’issue de cette période, ils recevaient une concession  gratuitement (un lopin de terre) qu’ils devaient cultiver..

Les premières habitations sont très étirées et étroites .Elles avaient une ouverture sur la mer. La Martinique est divisée en quartiers. Un quartier est un espace composé d’un ensemble d’habitations qui utilisaient le même mouillage (sorte de lieu d’échanges sur la mer). A la tète du quartier, on trouvait un capitaine de compagnie (parfois  deux)  qui avait été désigné par le gouverneur C’est lui qui dirigeait le quartier. Il était aidé dans sa tache par des lieutenants.

Les habitations qui composaient le quartier portaient le nom de leur propriétaire. On trouvait sept compagnies de milice dans l’ île. Les habitants font partie de la milice de leur quartier. Ils possèdent des armes et sont sous  l’ autorité du capitaine de milice du quartier.

Le premier recensement qui a été réalisé à la Martinique date de 1664. Il a été réalisé par l’abbé Cosino Brunetti qui est issu d’une famille de marchands. Il recense les habitants par quartier. On compte en 1660,  quatre  quartiers (Prêcheur, Saint Pierre, Carbet et Case Pilote).  ce recensement intègre la compagnie de milice de Trinité/Sainte Marie. Ce recensement a été établi par « Caze » ou propriété. On y indique le nom du propriétaire, son prénom,  son surnom, sa femme, ses enfants, les blancs (engagés) qui vivent avec eux, leur âge, métier, le lien de famille ou de subordination avec le propriétaire, le nombre d’esclaves (hommes, femmes, enfants). La compagnie de milice Trinité/Sainte Marie compte officiellement 86 français (en 1660) qui vivaient dans une trentaine de maisons (cases). On compte déjà 62 habitations en 1664.  Entre 1660 et 1664, les habitations sont de plus en plus nombreuses. Le capitaine de milice est Poret De La Garenne. Il est marié, père de quatre enfants, possède 14 esclaves soient 3 nègres, 4 négresses, et 7 enfants (négrillons).

La compagnie de milice De La Garenne est composée de 100 hommes armés. On trouve en 1664, vivant au quartier de Sainte Marie 202 blancs  dont 22 femmes 20 garçons et 16 filles.  Ces colons blancs possèdent 96 esclaves. On compte seulement 3 mulâtres. Au total le quartier de Sainte Marie compte en 1664 environ 301 habitants (au sens général). Ces 301 personnes vivent dans 62 habitations mais on compte seulement 31 habitations qui accueillent les 96 esclaves. Le capitaine de milice et son lieutenant  possèdent le quart des esclaves .Parmi les métiers cités, on trouve 6 torqueurs, 6 serviteurs, 1 scieur de planches qui vit seul, 10 en allouage (engagés). Dans le couvent des révérends Pères jacobins, on trouve 8 esclaves et 2 jeunes de 17 et 22 ans.

Un autre recensement est établi à partir de 1670. Le quartier de Sainte Marie est clairement défini même si la limite avec Trinité reste floue .Le quartier de Sainte Marie fait partie de la Compagnie de La Garenne. Cette compagnie s’étend du Marigot jusqu’à la Pointe de La caravelle. Sainte marie compte dès 1670 des  sous quartiers : Rivière Salée, Fort Sainte Marie (l’ilet et le bourg), Fonds Saint Jacques et Pain De Sucre. Ces sous quartiers vont devenir plus tard les premiers quartiers de Sainte Marie. Ils sont tous situés sur la cote et sont formés d’habitations.

La notion de bourg avec la construction des premières chapelles ou église se développe. Les bourgs sont situés le long de la mer. Le bourg de Sainte Marie se développe face à l’ilet et est constitué de magasins ou dépôts liés aux activités des habitations. Le lieu d’échanges à Fort Sainte Marie était situé autour de l’ilet. Ce recensement a permis d’établir le terrier de 1671. Il a été réalisé par les services du commis général de la compagnie. Chaque compagnie de milice a réalisé son étude. On constate que les habitations sont de plus en plus nombreuses .elles sont étroites et les limites sont difficiles à établir. Les bâtiments sont construits tout au long de la cote. Les cases des propriétaires sont situées en hauteur sur un morne ou une  butte. On a dénombré 81 habitations en 1670 et 92 en 1671 (oubliées en 1670 ?).

                                      Terrier de Sainte Marie de 1671 établi sous forme de tableau

lieux Nombre de

propriétés

Bâtiments Propriétaires cultures
Rivière Salée 12 Moulin à bœuf/sucrerie Gueroult

Marin De La Houssaye

Jacob Luis

Indigo/gingembre

coton

Fort Sainte Marie 4   Nicolas Lescaude

Saint Aubin

 
Fonds Saint Jacques 2 Moulin à eau

Sucrerie marchante

Pères jacobins Canne à sucre
Pain De Sucre 16 Moulin à bœuf

Sucrerie

Levassor Latouche Canne à sucre
Fonds Charpentier 4 Moulin à bestiaux Abraham Bueno Canne à sucre

gingembre

Total 38      
         

 

Les plus grandes propriétés appartiennent à Mr FORMONT et Cop, aux pères jacobins, à LESCAUDE DE SAINT AUBIN, ADRIEN SEIGNEUR, CHARLES OZERAY

Le recensement de 1670 en Martinique mentionne la présence familles juives installées à la Martinique dont 2 à Sainte Marie. Elles y pratiquent leur culte ouvertement. Jacob Louis, ou Luis, fait partie de cette petite communauté.il est présent aussi à Saint Pierre. Agé alors de 29 ans, né à Bordeaux d’une famille originaire de Bayonne, père de trois enfants, il dispose d’un serviteur et de cinq esclaves. il est propriétaire du terrain qu’il occupe à Rivière Salée entre Sainte Marie et Trinité. En 1680, Jacob Luis, qui a acquis deux nouveaux terrains, reste dans sa communauté le seul propriétaire terrien. Il fait maintenant cultiver ses terres par onze nègres, douze négresses et sept négrillons. Il possède un moulin à bœufs et une sucrerie à Rivière Salée.

A Fonds Charpentier ; on trouve le dénommé Abraham Bueno qui possédait aussi une sucrerie, un moulin à bestiaux.sa propriété a une superficie de 400 pas de large sur 1500 de haut.  Il est recensé  comme un marchand

La notion de bourg avec la construction des premières chapelles ou église se développe. Les bourgs sont situés le long de la mer. Le bourg de Sainte Marie se développe face à l’ilet et est constitué de magasins ou dépôts liés aux activités des habitations. Les marchands se sont installés à l’ endroit ou pouvaient mouiller les navires. C’est à ces points d’abordage que s’effectuaient les transactions, les échanges. C’est l’endroit ou les habitants d’une même compagnie de milice contrôlait leur production, échangeait leur marchandises, expédiait leur produit. Le lieu d’échanges à Fort Sainte Marie était situé autour de l’ilet. On dénombrait 44 maisons et magasins au bourg de Sainte Marie en 1685.

Le XVIIème siècle voit se développer  le quartier Sainte Marie qui devient une grande paroisse. La canne à sucre va s’imposer petit à petit. Sainte Marie deviendra un important centre agricole .

Vidéo   le code noir

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Ancien professeur d’histoire et de géographie, il a participé régulièrement à la vie culturelle de sa ville. Animateur, membre d’associations, il est aussi un passionné d’histoire. il s'intéresse plus particulièrement à l'histoire de Sainte Marie et à celle des trains des Plantations à la Martinique.