Saint-James est aujourd’hui, la plus grosse entreprise privée de Sainte-Marie. Espace de production de rhum, elle est aussi un musée (musée du rhum et musée de la distillation). C’est aussi un lieu de détente et de loisirs (le Train des plantations et la fête du rhum …).
Saint-James trouve ses origines à Saint-Pierre sur la route de Fonds Saint-Denis où naissait par ordre du roi le 13 août 1685, l’habitation TROUVAILLANT ou l’hôpital. Arrivés en 1686, Les religieux de l’ordre des Hospitaliers de Saint Jean De Dieu ou Ordre de la Charité dirige cette institution à partir de 1700. L’habitation connaîtra son apogée avec le père Edmond LEFEBURE, supérieur de l’ordre. Il édifia la sucrerie et selon une hypothèse, il aurait donné en 1765, au rhum, produit depuis peu, le nom de Saint-James, afin de faciliter la vente de cet alcool aux colons de la Nouvelle Angleterre.
Une œuvre de charité
C’est le 15 Septembre 1635, qu’une centaine d‘hommes sous l’autorité de Pierre Belain D’Esnambuc, débarquaient sur l’ile qu’ils baptisaient « Madinina ». La colonisation de notre ile débute autour de Carbet/Saint Pierre. Elle est dirigée par une compagnie : La Compagnie des iles d’Amérique qui obtient du roi la direction de l’ile. La compagnie a pour mission : L’organisation du peuplement de la colonie, l’exploitation de ses richesses et le développement d’une économie coloniale. La compagnie des iles d’Amérique va aussi participer à l’extermination des indiens.
C’est dans ce contexte qu’apparaissent les premières habitations à la Martinique.
50 ans plus tard, naissait cette œuvre de charité, l’hôpital, qui devint plus tard l’Habitation Saint James. Effectivement à l’origine, Saint James est né à Saint Pierre avec L’Hôpital de la ville. Elle était située sur les hauteurs de la paroisse du Mouillage.
La colonie va changer de propriétaires plusieurs fois. Après l’arrivée de jacques Duparquet, la compagnie envisagea la création d’un hôpital dans chaque colonie. Il faut savoir que depuis l’Ancien Régime, les hôpitaux étaient pris en charge par l’église et les moines. Par une délibération du 3 Aout 1665, le conseil souverain de la Martinique décida de la création d’un hôpital à Saint Pierre. Le gouverneur avait légué une terre au bord de la rivière, aux jésuites pour la réalisation d’un tel édifice. C’est le projet qui avait été élaboré par Mr De Tracy qui est retenu. Clodoré est chargé de la construction de L’Hôpital. Le conseil décida de la nomination de trois directeurs qui étaient chargés de trouver les fonds nécessaires pour faire fonctionner cette institution. Les dons des habitants (propriétaires d’habitations) affluèrent de toute part. Après avoir récolté les fonds nécessaires, une maison (celle de Mr Jean Laporte) et un terrain furent achetés près de la rivière des jésuites au quartier du Fort. On vit émerger un bâtiment en bois qui pouvait accueillir 15 malades. L’hôpital y vit le jour et prit le nom d’hôpital Saint Jean Baptiste. Un chirurgien et trois assistants assuraient les soins aux malades. Mr Urbain Guillon de la Charvelle, un des directeurs, donna autorisation à l’hôpital de construire un moulin et une sucrerie au-dessus de son habitation. Il autorisa le tracé d’un chemin au milieu de ses terres. Il se chargeait des dix premières coupes et de la fabrication des premières productions de sucre. La moitié du sucre devait revenir à L’Hôpital. La structure évolua rapidement. L’Hôpital fit l’acquisition d’une propriété à Fonds Laillet au mouillage et déménagea vers 1682.
Le conseil enregistra le 11 Mars 1685, les lettres patentes du roi datant de Janvier 1684, qui décida l’envoi de sœurs hospitalières de la Rochelle ou de la charité. Elles étaient chargées du fonctionnement de L’Hôpital. Elles ne restèrent pas longtemps. Face aux difficultés financières, elles furent vite rappelées et remplacées par ordre du roi datant du 13 Aout 1685 par les religieux de l’ordre de la Charité (Frères de l’ordre de Saint Jean de Dieu). Les pères de la charité avaient pour mission la gestion des hôpitaux des deux villes que sont Saint Pierre et Fort royal.
L’Hôpital ou habitation Trouvaillant s’enrichit de nombreuses maisons au bourg de Saint Pierre et la grande habitation sucrerie qui permettait son fonctionnement se développait. L’ordre acheta les petites habitations voisines et pu dégager des revenus importants qui servirent au fonctionnement de l’établissement. Le nombre de frères a augmenté pour arriver à 10. On atteint une soixantaine de lits. L’Hôpital accueillait au départ des marins et soldats ; il fut ensuite ouvert aux habitants de la ville qui devaient payer leurs soins. Découvrant l’intérêt financier, qu’il pouvait tirer de la vente du rhum (appelé tafia), les frères de Charité se lancèrent dans la production de rhum. En 1714, les frères de la charité firent l’acquisition de terrains à Fonds Mahault.
Le tafia était exporté vers la France métropolitaine jusqu’en 1713, lorsque le roi Louis XIV fit interdire l’importation d’eau-de-vie, en provenance des colonies afin de protéger la consommation de vin métropolitain. Cette interdiction fut levée 50 ans plus tard. En 1763, Louis XV permettait aux colonies d’exporter leur production de sirops et tafias vers l’étranger. C’est ainsi qu’en 1765, les Frères de la Charité expédièrent leur alcool vers la Nouvelle Angleterre (Etats Unis) d’où le nom de Saint James (une famille royale britannique) ; Cette appellation favorisait son entrée sur le marché américain. Le rhum était livré en vrac et Saint James devient la première marque déposée.
La propriété connut son apogée sous la direction du père Edmond Lefébure, supérieur du couvent de l’ordre de la charité et passionné d’alchimie, qui y édifia la sucrerie et qui selon une hypothèse très probable, aurait donné au rhum le nom de Saint James. On a d’ailleurs retrouvé une pierre gravée dans les ruines de Saint Pierre après la catastrophe de 1902 sur laquelle on peut lire : En MDCCLXV (1765), cette sucrerie a été édifiée par les soins du père Edmond Lefébure, supérieur. En effet la sucrerie prit une autre dimension pour devenir l’une des plus importantes de la région.
les religieux achètent en 1777 à M. CACQUERAY DE VALMENIERE une habitation à Champflore au Morne Rouge. Elle avait une superficie de 120 carrés et on y trouvait des bâtiments d’exploitation pour ses plantations de manioc, café, cacao, …
On y pratiquait l’élevage de bestiaux pour la nourriture des malades. On y trouvait aussi des chaudières, trois chevaux, deux juments, vingt-trois bêtes à cornes, du matériel de forge, des cases à nègres, un presbytère et une chapelle et une soixantaine d’esclaves. L’acquisition est officiellement enregistrée le 7 Janvier 1778 et a couté cent vingt mille livres.
Avec la révolution française, les biens des religieux deviennent des biens nationaux, Le 25 Mars 1792 puis le 5 Avril de la même année, l’assemblée coloniale de la Martinique ainsi que le gouverneur Béhague autorisèrent les religieux à continuer l’administration de leur possession. Les frères de la Charité continuèrent à administrer leurs biens sans problème, malgré la présence anglaise (de 1794 à 1802) et cela jusqu’à l’arrivée de Villaret Joyeuse.
Le 27 Décembre 1802 sous Napoléon Bonaparte, les Plantations Saint James sont déclarées biens nationaux et propriété de l’état français. En 1805 l’habitation compte 150 esclaves.
Entre 1809 et 1814, la Martinique est à nouveau occupée par les anglais qui prennent en charge la propriété qui devient propriété du gouvernement britannique, qui en livre l’exploitation à des sujets anglais. Le rhum est expédié vers la Grande Bretagne et connait un franc succès surtout auprès du corps médical. L’ile est occupée par les britanniques jusqu’au 4 Aout 1814.
Après la reprise définitive de l’ile par les français, par ordonnance royale du 8 juin 1820, les actes de concession sont annulés. Une convention était signée le 23 Septembre de la même année, entre le directeur général du domaine de la Martinique et Edouard Henry ex supérieur des frères de la charité.
L’habitation sucrerie nationale dite TROUVAILLANT de 160 hectares ainsi que celle de CHANFLORE de 200 carrés environ avec bâtiments, matériel, esclaves, magasin sont loués à bail à ce monsieur Henry pour 9 ans. L’habitation est cédée par décret royal du 17 août 1827 à la société des rhums Saint-James qui vient d’être constituée. Le 25 Novembre 1828 un bail de 27 ans est passé avec le notaire, Mr PAYOT. En 1829 l’habitation ne comptait plus que 105 esclaves.
Le 25 janvier 1837 la maison principale du maître avec un hectare de terre, est louée comme maison de convalescence militaire pour la somme 1200 francs. Cette demeure allait devenir peu après la maison de campagne de l’évêque de Martinique.
Naissance du rhum agricole Saint James
Dès 1840 l’usine profite de la première révolution industrielle pour se moderniser. Elle utilise le nouveau procédé de distillation continue. Dans les années qui suivent, elle va connaitre son apogée.
Un texte du conseil privé datant de 1845 nous apprend que les esclaves de l‘ habitation Saint James étaient classés en trois ateliers :
- Les grands travaux pour les 16 à 55 ans en bonne santé
- Le sarclage pour les vieillards et nourrices
- Le nettoyage du manioc et des herbes pour les 7 à 14 ans.
Le travail se déroulait entre le lever et le coucher du soleil. Une pause était observée le matin de 8 à 8h30 et une autre de 12h à 12h15.
Vers 1845, un négociant en vins et en liqueurs introduit sur le marché français le rhum en provenance des Antilles. Ce négociant en vin marseillais, Paulin Lambert, introduit en grande quantité, le rhum saint James sur les marchés français et anglais en l’identifiant « Saint James », le premier rhum agricole des Antilles françaises. Il devient l’un des plus gros importateurs de cette eau de vie distillée des sirops appelés mélasses et qui est vendue dans des bouteilles carrées (forme qui favorise la mise an cale dans les vaisseaux). 30 ans plus tard, ses deux fils Ernest et Eugène deviennent ses collaborateurs. Les européens découvrent le rhum agricole, eux qui connaissaient le rhum industriel caramélisé, fort, qu’on appelait à l’époque, tafia.
Rapidement l’arôme et la noblesse de cet alcool intéressa les corps médicaux anglais et français qui lui trouvèrent des vertus pour guérir les angines de poitrine en grog ou punch au lait. Ils y laissèrent de nombreux articles de presse.
Après l’abolition de ‘ esclavage en 1848, la situation de l’habitation devint compliquée. Saint James engagea des travailleurs indiens qui constituaient une petite communauté au sein de l’habitation. Après avoir été transformée en atelier disciplinaire en 1852, le conseil général met en vente (aux enchères) l’habitation sucrerie Trouvaillant, le 20 Octobre 1860. Elle devient la propriété de Mr Paul DES GROTTES et de ses trois fils : Victor, Edouard et Eugène. Chacun était en possession d’un quart de l’habitation.
30 ans plus tard en 1890, Saint James fait à nouveau l’acquisition du domaine de TROUVAILLANT qu’elle baptisa « Rhums des Plantations Saint-James ». L’année d’après, elle achète les domaines Daguerre et Beauséjour qui furent incorporés aux plantations Saint-James. Les deux fils Ernest et Eugène Lambert (les collaborateurs de Paulin LAMBERT) déposent en 1882 au tribunal de commerce de Marseille, la marque commerciale rhum des plantations Saint-James associée à la bouteille carrée à fond plat. Il commence la commercialisation l’année suivante.
Saint James possède des bureaux et magasins à Saint-Pierre. Le siège de son négoce est à Marseille alors qu’il a deux succursales à Bordeaux et à Paris.
A l’occasion du grand banquet des maires de France du 22 Septembre 1900, Saint James propose son premier millésime qu’il a conçu dès 1884
Jusqu’en 1890 l’usine s’approvisionnait auprès des petits distillateurs locaux. La Martinique, premier exportateur de rhum est souvent appelée le « Pays du rhum Saint James »
En 1902, l’éruption de la montagne Pelée détruira une partie de l’usine qui reprendra ses activités en 1905. Elle va entre temps, déployer ses activités sur d’autres sites : En 1903, elle fait l’acquisition du domaine Des Sablons Bellevue. Tout l’ensemble ainsi que la marque Saint James furent intégrés à la société en commandite par action :
Ernest Lambert et Cie fondée par les fils de Paulin Lambert (qui décéda en 1905).
La société fit l’acquisition des domaines de Rivière Blanche (1911), Acajou (1912) Fonds Bourlet (1929).
Saint James comme les autres distilleries profitent de la première guerre mondiale pour augmenter sa production. Les colonies devaient fournir à la métropole de l’alcool nécessaire à la fabrication de poudre, pour la désinfection des blessés ainsi que pour la consommation des soldats. Le rhum était un bon remontant. Saint James est le seul rhum que l’on retrouve officiellement dans le paquetage des poilus. Après la guerre, saint James installe des bureaux dans les grandes villes d’Europe et dans l’empire colonial français.
Le 6 Septembre 1926 la société Saint James devient société anonyme et son siège est transféré à Fort-de-France en 1940.Elle est rachetée par le comte de VIBRAYE en 1945 qui fait aussi l’acquisition des distilleries Acajou au Lamentin et de l’usine de Sainte Marie (qui fut créée le 3 Mars 1870). Vers les années 1955, tournant dans l’histoire de Saint James, la famille Lambert revend l’entreprise à la société d’investissement aux caraïbes qui déposera son bilan en 1958. C’est un échec. L’affaire est reprise par la nouvelle société des Plantations Saint James.
L’usine de Sainte Marie arrête ses activités en 1965 et ne garde que la distillerie Le rhum était fabriqué à Trouvaillant et Acajou jusqu’en 1964.Des cultures de tomates et d’ananas y sont essayées jusqu’en 1970. La Nouvelle société des Plantations Saint James est liquidée avant d’être rachetée par la société Picon.
En 1973, la marque de rhum Saint James passe aux mains de la société Cointreau. L’usine est transférée à l’ancienne usine centrale de Sainte-Marie qui appartenait aux familles DESSALLES et Huygues Despointes. C’est en 1974 que Saint James s’installe à Sainte Marie.
Les terres de l’union à Sainte Marie avait pratiquement les mêmes qualités que celles de Saint Pierre (présence de souffre, débris volcaniques dans la terre) et la qualité du rhum était garantie.
Ce sont le premier ministre, Jacques Chirac, le ministre de l’agriculture, Christian Bonnet et le secrétaire d’état à l’Outre-Mer, Olivier Stirn qui inaugurèrent les chais de cette nouvelle usine Saint James le 23 décembre 1974.L’usine possédait 250 hectares plantés en canne à sucre et des chais de vieillissement modernes. En 1978, Saint James prend une dimension culturelle et touristique en donnant naissance au Musée du rhum puis à la fête du rhum en 1982.
Installée dans l’espace Saint James, le musée du rhum et depuis 2010, la maison de la distillation font entièrement partie de la structure en lui donnant une dimension touristique, pédagogique et culturelle.
En 1996, Saint James avec son directeur Mr Benoist, participe particulièrement à l’obtention pour le rhum de l’appellation AOC.
Saint James est expédié dans plus d’une cinquantaine de pays ; Elle obtient régulièrement des médailles d’or au salon de l ’agriculture de Paris depuis 1999 (à suivre).