Date du jour :29/03/2024

Il y a 70 ans: Félix Lorne, le samaritain héroïque

Il y a 70 ans disparaissait Félix Lorne. C’était le 3 Mars 1950

                                     Félix Lorne

Originaire du Quartier Pérou, Félix Oculi Lorne est né le 6 mars 1904 au lieu-dit , En François,  au Pérou à Sainte Marie. Son père Lorne Edouard Joseph ( Ti JO) et sa mère Cassildé Clémence Jeanne se sont mariés,  le 11 février 1899 à Sainte Marie. Le jeune Félix est né dans une humble famille . Son père était agriculteur alors que sa mère exerçait le métier de couturière. Le jeune Félix  vivait dans une petite case avec ses deux sœurs : Léonie et Rosalie

                                                                                                ancienne mairie de Sainte Marie

Il allait à l’école au bourg de Sainte Marie,  avec ses sœurs , et pendant l’ année scolaire, ils logeaient dans une petite chambre près de la mairie de Sainte Marie. Félix jouait le rôle de chef de famille .

Il obtient son Certificat d’Etude Primaire le 18 juin 1918 , dans des conditions difficiles,  à la fin de la guerre . Il passa avec succès son Brevet Élémentaire,  après avoir effectué quatre années de scolarité ( cours supérieurs puis cours complémentaires)

            Félix Lorne a travaillé plus de 20 ans à l’école des garçons

Après sa réussite au concours des bourses , il  intégrait le lycée Schoelcher puis accédait à l’école normale à Fort De France de 1923 à 1927 pour devenir professeur . Il obtient son premier poste à l’école de Pain de Sucre puis rejoint l’école des garçons de Sainte Marie après avoir refusé un poste de directeur dans une école du Nord .

Félix Lorne enseigne les mathématiques et le dessin au cours complémentaire ainsi que  l’ éducation physique . L’école des garçons est dirigée par Emmanuel Saldes . On y trouvait le cours supérieur et les cours complémentaires .

Félix Lorne épousa Carmen Desroses le 14 avril 1936. Ils eurent une fille qui eut une courte existence ( elle mourut à l’âge de 5 ans ).

                                             Félix Lorne et son épouse ( extrait de Biographie de Félix Lorne)

Félix Lorne  a effectué son service militaire au fort Desaix où il obtint le grade de caporal .Il participe à la création du club Samaritain dans lequel il joua.

Félix Lorne mourut par noyade le 3  mars 1950 après 23 ans de carrière.

  1. Un premier hommage lui fut rendu, quelques mois plus tard : une stèle est dressée sur l’ilet de Sainte Marie et inaugurée le 6 Juillet 1951 . Le 3 mars 1981, un buste est inauguré place Félix Lorne.

Une école porte son nom au Morne Des Esses. Félix Lorne est cité à  titre posthume à l’ordre de la Nation par le ministère de l’ Education nationale le 8 Novembre 1951

Félix Lorne était plongé dans la vie quotidienne de sa ville. Il tenait un bureau de vote lors des élections et animait la vie sportive et culturelle  de Sainte Marie .Pour  Le maire de l’ époque louis Erimée, la présence de Félix Lorne dans un bureau de vote était un gage de sécurité du vote à une époque ou la fraude animait la vie électorale à Sainte Marie .

3 Mars 1950 : le drame

Nous sommes le 3 mars 1950. Il est  5 h du matin. Tous les élèves sont présents pour une formation d’athlète. Comme d’ habitude à l’époque,  les séances de sport se déroulaient en dehors des heures normales de cours . le rendez-vous est pris sur le terrain de football face à l’ usine de Sainte Marie.  Après les échauffements ,  c’est la leçon de natation. Tous les jeunes accompagnés de leur professeur se rendent au tombolo. On parle de la digue à l’époque .

les flots se sont déchaînes

Les jeunes se jettent à l’ eau. Brusquement, la mer se déchaîne  sur la côte de Sainte-Marie. Trois garçons sont entraînés vers le large. , le maître fonce vers le danger. Il ramène rapidement un premier élève . Il repart récupérer un deuxième.  Félix  LORNE, sans reprendre son souffle, part au secours du jeune Luc Lagaville . Il va l’atteindre . le petit Luc  coule. Son maître replonge. Il prend l’enfant dans ses bras .Ils disparaissent sous les eaux avec lui.

                                                  la dépouille de Félix Lorne fut retrouvée derrière l’ îlet

                                                                          Félix Lorne était un grand sportif

Les élèves sont debout sur la plage, confiants. Mais le temps passe et personne ne remonte à la surface. L’espoir fait place à l’inquiétude puis à la panique. Les élèves appellent au secours. Des pêcheurs arrivent, se font expliquer, scrutent l’océan. Ils comprennent la situation : l’eau trouble n’a pas permis au professeur d’opérer efficacement. Des nageurs plongent, mais ils reviennent bredouilles et désemparés. On décide d’utiliser la senne. Le filet est jeté. Rien! Et pourtant LORNE est un maître-nageur. Les recherches reprennent le lendemain. On trouve le corps de Luc LAGAVILLE coincé contre un pilotis de la voie ferrée. Le surlendemain, un vol de « malfinis » tournoyant signale la présence de quelque chose derrière l’îlet. Alertées quelques personnes se précipitent sur l’îlet. Du sommet, on découvre le cadavre, que les flots frappent contre les rochers.

la dépouille de Felix Lorne est remorquée sur une barque et ramenée sur la plage……Le jour de ses funérailles plus de 5000 personnes  se sont déplacées .  il n’avait que 46 ans mais sa bravoure vit toujours à travers son acte.

Cet incident allait frapper considérablement les esprits dans tout le pays, et c’est en héros que le jeune instituteur fut accompagné dans sa dernière demeure, par une foule venue de toute la Martinique. C’est ainsi que finissait la vie trop courte de celui qui est devenu un héros.

Lerandy Luc

Citation à l’ordre de la Nation (à titre posthume)

(ministère de l’ Education Nationale)

Le président du Conseil des Ministres, sur la proposition du Ministre de l’Education Nationale cite à l’ordre de la nation : Monsieur LORNE (Félix, Oculi), ex-instituteur à Sainte-Marie (Martinique), pour les motifs suivants : instituteur d’élite, professeur de cours complémentaires dévoué aux œuvres d’éducation de la Jeunesse et des Sports, décédé dans l’exercice de ses fonctions. A trouvé une mort courageuse le 3 mars 1950 à Sainte-Marie, en tentant de sauver de la noyade un de ses élèves confiés à sa garde, après avoir ramené sain et sauf un premier enfant.

depuis les membres de l’association rendent hommage à leur maître.

Fait à paris, le 8 Novembre 1951

Signé : R.Pleven

Par le président du conseil des ministres

Le ministre de l’ éducation Nationale

Signé : André Marie

J.O.R.F du 11 Novembre 1951

Le comité Félix Lorne

L’ occasion m’ est donnée de rendre hommage au comité Félix Lorne qui a su perpétuer la mémoire de Félix Lorne .

Ce comité a vu le jour le 31 Mars 1977 et, à travers un certain nombre d’actions a vénérer cet ancien professeur .

Il convient de signaler les cérémonies d’ anniversaire de l’ évènement chaque 3 mars, la mise en place d’un buste à la place qui porte son nom et la réalisation d’ une plaquette collectant tous les documents faisant allusion à Félix Lorne.

Il convient de citer entre autres , le travail acharné de Mesdames Alexandrine Lothaire, Lisette Baspin, messieurs Leonel Valdivia, Claude Nadir , Hyppolite Cayol.

Hommages

« Lorsque tous nos noms auront été oubliés, les enfants de Sainte-Marie, déchiffreront celui de Félix LORNE, mort en sauvant des enfants comme eux. Il a donné la mesure de son affection pour ses élèves ainsi que dit la phrase célèbre : « Il n’y a pas plus grand témoignage d’amour que de mourir pour ceux qu’on aime »

. (Lettre de M. J. REYNAUD, 6 juillet 1951, Vice-Recteur de la Martinique).

Dans le projet de société qui était offert aux jeunes Martiniquais après la Première Guerre Mondiale, c’est par l’éducation que la nombreuse descendance des esclaves pouvait sortir de sa condition et s’ouvrir au monde. Fils de paysans des mornes, Félix LORNE, normalien de 1923 à 1927, puis instituteur, le savait bien. Il mit son talent et son énergie au service de cette jeunesse avide d’apprendre, avide de dépassement. Il est mort pour qu’ils vivent

Par Joseph JOS

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Ancien professeur d’histoire et de géographie, il a participé régulièrement à la vie culturelle de sa ville. Animateur, membre d’associations, il est aussi un passionné d’histoire. il s'intéresse plus particulièrement à l'histoire de Sainte Marie et à celle des trains des Plantations à la Martinique.