Aujourd’hui, il y a 30 ans, le pilote samaritain était victime d’un attentat terroriste perpétré par le colonel Kadafi. C’était le 19 Septembre 1989. Une dépêche tombait dans toutes les rédactions pour annoncer l’explosion d’un DC10 en plein vol. Cela se passait au-dessus du désert du Ténéré au Niger. Le commandant de bord Georges Raveneau et ses 170 passagers disparaissaient, victimes du terrorisme international.
Georges Raveneau est né le 4 janvier 1949 à Sainte Marie. Il est issu d’une de ces grandes familles mulâtres du bourg de Sainte Marie. Son père était commerçant et détenait une quincaillerie. Georges Raveneau fréquente l’école du bourg puis effectue ses études au séminaire collège à Fort De France.
Très jeune, le petit Georges se passionne pour tout ce qui vole. Il obtient d’ailleurs son brevet de pilote privé à l’aéroclub de la Martinique, le 18 Décembre 1967 alors qu’il n’avait que 18 ans.
Il rejoint en 1969 la société Transcaraïbes et assure l’épandage de produits phytosanitaires dans les bananeraies. Il poursuit sa formation durant deux ans à l’ENAC (école nationale de l’aviation civile) à Toulouse. Il devient en 1972, pilote professionnel de 1ère classe sur Nord 262 à Saint Yon. Il se marie en 1973. En 1975, il pilote des Fokker 27 sur la ligne Nouméa/Nouvelles Hébrides pour devenir l’année d’après copilote de la compagnie UTA. Il pilote des DC8 et dessert en particulier les pays d’Afrique. Georges Raveneau devient en 1981, chef pilote chez Aéromaritime. Il est commandant de bord sur Supper Guppy et assure le transport de pièces Airbus entre la Grande Bretagne, l’Italie et la France. Il réintègre UTA en 1983 et dessert l’Afrique. Il commande dès 1985 un DC8.
En 1986 ,il est à la tête du personnel navigant d’Aéromaritime (filiale d’UTA)et en 1988 commandant d’un Boeing 737.Il dessert les Antilles.
En 1989 il est promu commandant de bord sur un DC10 sur le secteur DOM/Afrique. C’est le premier pilote de ligne antillais.
Nommé chef instructeur en Avril 1989, il n’a pas eu le temps de poursuivre sa fonction de formation des futures pilotes puisqu’il était victime de l’explosion d’une bombe au Niger.
Ce 19 Septembre 1989 Georges Raveneau ,14 membres d’équipage et 156 passagers embarquaient à bord du DC10, pour le vol UT 772. L’avion a décollé à 14h20 de Brazzaville et devait se rendre à Paris (Aéroport Roissy/Paris Charles De Gaulle). Il fait escale à N’Djaména et repart pour la France. Il est à plus de 10000 mètres d’altitude et survole le désert du Ténéré. Ce jour-là, une mallette piégée est introduite dans le vol UTA. Trente minutes après l’escale de N’Djamena, la bombe explose en plein vol. Il n’y a aucun survivant. A bord, 170 personnes de 18 nationalités différentes : 54 Français, 48 Congolais, 25 Tchadiens, 9 Italiens, 8 Américains, 5 Camerounais, 4 Britanniques, 3 ressortissants de la République Démocratique du Congo (RDC), 3 Canadiens, 2 Centrafricains, 2 Maliens, 2 Suisses, 1 Algérien, 1 Belge, 1 Bolivien, 1 Grec, 1 Marocain, 1 Sénégalais.
Ce même jour, à 20 heures, Maryvonne Raveneau épouse de Georges Raveneau regarde le Journal télévisé. Patrick Poivre d’Arvor annonce qu’un avion d’UTA a disparu entre N’Djamena et Paris. Elle ne comprend pas tout de suite. Elle va chercher la feuille de route de son mari et découvre le drame . Georges Raveneau était victime d’un attentat .Après une longue enquête, l’attentat est attribué au colonel et président libyen Kadafi. Il voulait punir la France d’avoir aidé les Tchadiens à chasser l’armée libyenne de leur territoire.
Le 10 mars 1999, six Libyens, hauts responsables des services secrets et de la diplomatie libyenne ont été condamnés par contumace à la prison à perpétuité par la Cour d’assises spéciale de Paris. La Libye versera 215 millions de dollars, soit 1,25 million par famille. Maryvonne Raveneau refuse toute compensation. Paris et Tripoli se sont réconciliés au prix d’une contumace.
A Sainte Marie le souvenir de Georges Raveneau est là, puisque le samedi 27 Février 1993, Le maire Guy Lordinot baptisait le terrain de basket construit à l’emplacement de l’ancienne maison Tulle du nom de Georges Raveneau.
Quelques années plus tard, le 19 Septembre 2015 sous l’impulsion du maire Bruno Nestor Azérot, le terrain de basket devenait la place Georges Raveneau.
Lerandy Luc
Discours de Guy Flandrina le 19 Septembre 2015
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Député-Maire,
Mesdames, Messieurs les officiels en vos titres, grades et qualités,
Mesdames, Messieurs,
Chers Amis.
La famille RAVENEAU m’a confié la charge, très honorable, de prononcer cette allocution en hommage à l’un des siens ; victime d’un attentat terroriste.
La ville de Sainte-Marie ne s’est pas trompée en voulant honorer la mémoire de Georges RAVENEAU, homme de haut vol. L’un de ses prestigieux fils qui fut l’un des tout premiers martiniquais pilotes d’avions transatlantiques.
S’ouvrir au Monde, voyager, tutoyer les cieux, approcher les dieux… voler, piloter, c’étaient : son métier, sa philosophie ; sa vie !
Le 19 septembre 1989, alors commandant instructeur du DC 10 d’UTA, Georges RAVENEAU est abattu en plein vol avec ses 170 passagers.
La barbarie aveugle lui a coupé les ailes, brisé des vies et éparpillé ses rêves dans le désert du Ténéré au Niger.
En s’élevant dans les airs, Georges RAVENEAU savait que la mort rôdait autour de lui. En effet, cinq mois avant l’attentat meurtrier, il rédigeait un rapport à l’attention de la Direction Générale de l’Aviation Civile. Il y dénonçait l’absence de mesures de sécurité efficaces au départ des vols d’Afrique.
Ses écrits sont restés lettres mortes ; l’Histoire lui aura, malheureusement, donné raison, emportant sa vie comme pour attester une terrible preuve…
Certes ! six libyens ont été condamnés par contumace mais ils n’ont jamais été arrêtés. Ils sont restés libres dans leur pays !
Des familles meurtries ont, elles, été larguées dans une réelle détresse morale et financière après la disparition, déjà si douloureuse, d’un ou de plusieurs de leurs proches. Alors, on a évalué leur haine potentielle, estimé leur peine réelle, négocié sur les cercueils −à peine fermés− et calculé le montant des morts au prix de la raison d’Etat.
La famille RAVENEAU a, elle, dignement refusé le marchandage de son silence, l’achat de sa conscience, contre un plat de couscous du dictateur libyen Mouammar KADHAFI. Et la France, la France des « Droits de l’Homme », dit-on, s’invitait, elle, à la table du diable !
François RAVENEAU, frère du pilote assassiné, affirmait dans le FA du 19 octobre 2002 qu’il mènerait le combat, au nom des siens, jusqu’à ce qu’il « ferme les yeux », pour que ce crime soit reconnu, puni et indemnisé comme il se doit.
Aujourd’hui, 26 ans jour pour jour après le drame, des élus samaritains, la population samaritaine, des martiniquais en nombre, démontrent, ici, que la famille RAVENEAU n’est pas seule dans son combat pour la Vérité et la Justice !
Notre présence sur cette Place est l’affirmation que si nous savons être « Charlie », nous pouvons aussi être « Georges » ou « Clarissa ». Il s’agit de la même solidarité, de la même fraternité contre la barbarie terroriste qui frappe indistinctement, ici ou là, tout ce qui ne lui ressemble pas.
Notre différence, celle qui nous rassemble dans nos diversités, est celle-là même qui nous distingue de la sauvagerie, de la barbarie ! C’est cette différence qui fit dire à Confucius qu’au milieu des barbares il faut rester soi-même.
La Civilisation : c’est le Respect de chaque humain dans sa manière d’être et de penser. C’est aussi, ici, ce qui peut faire notre force : l’enrichissement par l’acceptation tolérante de l’Autre dans sa différence.
A l’instar de Jacques PRÉVERT qui pensait à la liberté pour l’oiseau, Georges RAVENEAU aurait voulu que l’on ouvre la cage où est emprisonnée la fraternité humaine. Aujourd’hui, à Sainte-Marie, celle-ci déploie ses ailes et l’espoir renaît !
Avec Paul ELUARD nous savons que« la nuit n’est jamais complète. Il y a toujours (…)au bout du chagrin, une porte ouverte ».
Ici, sur cette place Georges RAVENEAU, celle de notre mémoire collective s’ouvre comme une promesse d’avenir…
Guy FLANDRINA,