Date du jour :21/11/2024

Le cimetière d’esclaves de l’habitation Fonds Saint-Jacques

C’est à Fonds Saint jacques que l’on retrouve l’un des rares  cimetières d’ esclaves à la Martinique . Il aurait pu être un lieu de pèlerinage et de commémoration notamment le 22 Mai .En cette période de la Toussaint, il est dans un état d’abandon. Ce cimetière a une dimension mémorielle immense mais cet aspect de notre histoire est quelque peu négligé.

L’archéologie en anthropologie funéraire  n’est pas une priorité . Les quelques sépultures qui ont été retrouvées à la Martinique et à la Guadeloupe étaient surtout situées sur le littoral côtier .  Les maitres d’après le code Noir avaient l’obligation d’enterrer les esclaves dans la tradition de l’église catholique :

Art. 14. Les maîtres seront tenus de faire enterrer en terre sainte, et dans les cimetières destinés à cet effet, leurs esclaves baptisés ; et à l’égard de ceux qui mourront sans avoir reçu le baptême, ils seront enterrés de nuit, dans quelque champ voisin du lieu où ils seront décédés.       Code noir de 1685

Cette disposition fut très peu respectée.

D’autres cimetières ou sépultures furent découvert à la Martinique:

un cimetière d’esclaves fut découvert à L’anse Bellay aux Anses d’Arlets et a permis en 2015 d’exhumer environ 80 sépultures.

Des sépultures furent retrouvées sur la plage de l’Anse Dufour (plage des surfeurs), à Tartane (Trinité)

De nombreux témoignages des anciens nous signalent l’existence de cimetières dans différents lieux sur notre Ile.

 Les travaux de fouilles- Photos CTM

C’est en 1990, alors qu’ils effectuaient des travaux de terrassement pour élargir la route qui passe devant la purgerie de Fonds Saint-Jacques, que des ouvriers firent la découverte de squelettes le long d’une terrasse. Les travaux s’arrêtèrent et une équipe du CERA (Collectif d’Etudes et de Recherches en Archéologie) sous la conduite de Colette Léton,  fut chargée du travail de fouille de ce qui se révéla être un cimetière d’esclaves.

Le terrain fut déboisé. Les chercheurs recueillirent les témoignages des anciens du quartier qui connaissaient l’existence de ce cimetière. Certains parlent même de deux cimetières dans le même secteur. On peut penser qu’un autre cimetière accueillait les maitres de l’habitation ( moines dominicains, personnel blanc ).

     le cimetière est situé face à la purgerie

                                                                                            Seule cette plaque permet d’identifier ce cimetière

Après des mois de fouille, ce sont environ 80 squelettes qui furent retrouvés dans cet espace , le premier cimetière d’esclaves découvert à la Martinique. Situé au sud de la chapelle de l’habitation, il se trouve à quelques mètres de la rue pavée, appelée rue Cases nègres.

Dans cette habitation monastique, les esclaves recevait un » enseignement religieux »

Une équipe s’est constituée autour de l’archéologue, Colette Léton(Anthropologues de Saint Domingue, un chirurgien du CHU de  Martinique et les chercheurs du CERA…).Des fragments d’ossements ont été expédiés en France pour y être datés.

Les premières conclusions  ont donné les résultats suivants :

  • Les 80 individus sont de race noire(caractères négroïdes) et seraient décédés dans les années 1730 (d’après les datations par le carbone 14). Ils seraient âgés de 20 à 60 ans
  • Il s’agissait d’esclaves qui travaillaient sur l’habitation monastique de Fonds Saint-Jacques
  • Ils étaient enterrés en pleine terre ou dans un cercueil en bois. Certaines fosses ont été réutilisées. On peut penser que les rituels chrétiens de l’époque étaient respectés dans cette habitation particulière qui était dirigée par des moines dominicains
  • Ils portaient des vêtements(boutons en or et rivets en cuivre), des colliers en cuir, des chapelets, des crucifix. Les femmes portaient des épingles en cuivre
  • Les squelettes les mieux conservés ont révélé la présence de 19 femmes et 11 hommes
  • Les défunts étaient allongés sur le dos et, comme le veut la tradition chrétienne, orientés est-ouest
  • Les premières analyses ont révélé une mauvaise alimentation des victimes
  • L’usure des dents permet de dire qu’ils consommaient des aliments durs (canne à sucre, coquillages,…)
  • Des clous de cercueil ont été trouvés autour des squelettes (ce sont des modèles qu’utilisent les charpentiers de marine de l’époque) .
  • Les fouilles ont été étendues et ont confirmé les premières conclusions. La drépanocytose et la maladie de Blount ont été détectées sur un des individus. Beaucoup de cadavres semblaient avoir été enterrés précipitamment. Serait-ce dû à une épidémie comme l’épidémie de fièvre jaune qui décimait la région à l’époque ?

    Les documents iconographiques sont extraits de cette publication

  • Le travail du CERA a fait l’objet d’une publication « Archéologie- patrimoine de la Martinique ».

Malheureusement le manque de financement n’a pas permis aux chercheurs d’aller plus loin dans la connaissance de ce seul cimetière d’ esclaves de la Martinique. Ce lieu de mémoire qui aurait pu être réhabilité est complément oublié lors des commémorations  historiques ou religieuses de notre pays.

C’est pourtant le seul cimetière d’esclaves de la Martinique !

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Lerandy Luc

 

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Ancien professeur d’histoire et de géographie, il a participé régulièrement à la vie culturelle de sa ville. Animateur, membre d’associations, il est aussi un passionné d’histoire. il s'intéresse plus particulièrement à l'histoire de Sainte Marie et à celle des trains des Plantations à la Martinique.