Date du jour :19/04/2024

Morne des Esses: Une petite ville dans la ville

Quartier le plus important de Sainte Marie, Morne Des Esses ceinture la ville. Il est situé entre Rodon à l’est, Pérou au nord et les communes de Trinité au sud et Gros Morne à l’ouest. Il s’étend sur 1265 hectares et regroupe des sous quartiers : Spoutourne, Saint Laurent, Félix, Rivière Canari, Chertine, Rue Mulâtre, Saint Aroman, Cadran, Bon Air et  Route Vaton.

Des origines encore inconnues

Quant aux origines du  nom Morne Des Esses, plusieurs hypothèses ont circulé ;    route en S ou lieu connu pour ses quimboiseurs, lieu ou l’on fait des « zess », c’est-à-dire des quimbois. Une piste suisse a aussi été évoquée : « esse » signifie clairière en Suisse ! Quel rapport avec ce pays ?

Il semblerait que le nom viendrait d’une famille mulâtre, la famille des Esses,  originaire de Saint Pierre qui, comme beaucoup de familles du quartier, notamment du lieu dit Rue Mulâtre, auraient  été déportées  pendant l’esclavage pour s’être révoltées contre le régime. Ces habitants étaient effectivement des mulâtres qui avaient fui le système colonial.

Vidéo le bourg du Morne Des Esses

Les Premiers habitants du Morne Des Esses sont des mulâtres en fuite qui se seraient réfugiés dans les bois en hauteur et qui ont créé des petits villages. Durant la période de l’esclavage, un certain nombre de mulâtres furent expulsés dans la région de Saint Pierre par les colons. D’autres sont arrivés,  suite aux éruptions de la montagne Pelée.  On trouve aujourd’hui  leurs descendants : SÉBASTIEN, MARIE LOUISE, JEAN BAPTISTE, ADÈLE, JEAN DE DIEU, ERIMEE ou FLORIMOND.

                                                                  Les anciennes vannières

Les premières écoles

Bien avant la paroisse, l’école du Morne des Esses fut créée en 1897 grâce au gouvernement de la colonie ; elle possédait deux classes et était dirigée par M. Hermence Véry (père du député maire Emmanuel Véry). En 1933 l’école mixte  s’agrandit et compte huit classes qui se trouvaient dans le bâtiment actuel du centre administratif. Dans les années soixante, il existait une école de filles dirigée par Mlle Crispin tandis que M. Tell dirigeait l’école des garçons. En 1966, une classe de fin d’étude préparait au certificat d’étude. Elle était située au quartier Spoutourne. Il parait même que les vannières  initiaient les jeunes à leur art.  L’école maternelle se trouvait au centre administratif actuel. Le Morne Des Esses en plein essor a dû construire trois autres classes à l’emplacement actuel de la vannerie.

Les vestiges de l’école de Bon Air

La naissance de la paroisse

Le hameau du Morne Des Esses devient paroisse en 1932. Sous l’épiscopat de Mgr Paul LEQUIEN, la paroisse fut dédiée à Saint Paul De Tarse. C’est Mgr LEQUIEN qui posa la première pierre de l’église en 1933. Ce jour là, le chanoine Louis Bataille, curé de Sainte Marie célébra la messe en plein air. C’est avec l’abbé Jean Morin, vicaire de Sainte Marie que débute les travaux de construction de l’église. Quatre murs, la charpente, et la toiture étaient montés lorsque l’abbé Monin dut rejoindre la métropole.

Les travaux cessèrent plusieurs mois. Ils reprirent en 1935. En mars de cette même année l’abbé Gabriel LAVIGNE fut nommé premier curé du Morne Des Esses. Il arriva le dimanche 10 Mars 1935 et célébra sa première messe le dimanche de carême. Il relança les travaux, aidé des habitants de tous les quartiers et du bourg qui n’hésitaient pas à monter à pied pour participer à l’édification de ce monument. Ce fut une tache très dure d’ autant plus que les routes n’étant pas carrossables, il fallut tout transporter à dos d’hommes ou de mulets. Les habitants firent preuve d’un grand zèle.  Des coups de main géants furent organisés : Asson SOLIS, clarinettiste et quelques musiciens  animaient les opérations. Des dons affluaient de partout. On transportait des planches mesurant jusqu’à 12 mètres de longueur. Les travaux progressent rapidement. Monsieur VIERDIER réalisa le maître autel à la main.

Le clocher fut construit en 1939 avec l’aide du docteur Emmanuel VERY, conseiller général de Sainte Marie. Il fut béni par Mgr Paul LEQUIEN. Il accueille quatre cloches. La benjamine vient de la chapelle de Fonds Saint Jacques ; les trois autres furent commandées à la maison Wauthy dans le nord de la France. Les cloches portent le nom de leur marraine : l’une dite Marie Paule Louise en bronze fondue,  d’une hauteur de 90 cm autant que la largeur ; on y trouve l’inscription : Marie Paule Louise, « j’ai été offerte à l’église Saint Paul du Morne Des Esses par son excellence Mgr Paul Lequien évêque de la Martinique ; j’appelle les bénédictions du ciel sur tous les fidèles ut vitam habeant ». L’autre cloche porte le nom de Gabrielle Constance Alice. Elle a les mêmes caractéristiques et porte l’inscription : «  je m’appelle Gabrielle Constance. Je donne le la. Je suis née pour perpétuer le souvenir de la bénédiction de la nouvelle église le 14 Avril 1936 ».

Les cloches posées furent bénies par le délégué de son excellence Mgr Louis BATAILLE.  En 1939, la construction de l’église du Morne des Esses était terminée.

    

Le cimetière apparut sur le domaine de la famille CRISPIN. La première inhumation eut lieu en 1936. Un certain monsieur Humbert PATOLE  aida à la construction de la croix dont le christ mutilé provenait de la paroisse du Diamant. Ce christ fut découvert dans une savane par l’abbé Gabriel Lavigne. L’abbé Laurent DESCHAMPS succédait à l’abbé Gabriel Lavigne en décembre 1942. L’abbé Paul BERGERON arriva en Décembre 1943. Les curés se déplaçaient à cheval. Le petit presbytère reçut ses premiers meubles en 1944.

 

On parle de l’existence d’un lazaret (fosse commune)  bien avant (XIXème) du côté du calvaire (An Cimitiè) lié à l’épidémie de fièvre jaune et de choléra qui décimait la région. Hommes et animaux étaient enterrés dans une fosse commune. An Cimitiè se situe dans la région du Calvaire, caché par une motte de terre . On y trouve une source.

Le conseil de fabrique fut créé  le 31 décembre 1943.  Son premier président s’appelle, René LABINSKY. Son conseil était composé de Jean PAIN, Victor CAPRICORNE, Victor DALMAT,  Adrien VATON et Romanes ELIE. Le conseil se réunit pour la première fois le 16 janvier 1944 pour analyser son premier budget. Cette même année eurent lieu les premiers baptêmes adventistes dans le quartier.

La paroisse acheta un moteur électrique en 1945. Il fournissait de l’électricité à l’église puis au presbytère.

C’est sous la présidence de René LABINSKY que fut créé le chemin de croix du Calvaire : nous sommes en 1945-1946. Une croix de quatre mètres fut montée à Spoutourne. Elle a disparu huit ans plus tard. Le chemin de croix ainsi qu’un tableau furent réalisés par le père AROSTEGUY, curé de Sainte Thérèse, et achetés par le père CHENEVERT, le curé du Morne Des Esses . Ce tableau qui représente les âmes du Purgatoire fut béni le 10 octobre 1945. Un marbre souvenir datant  d’octobre 1945 a été installé à l’entrée de l’église. La mise en place du chemin de croix à  Spoutourne  s’acheva en 1946 et il reçut la bénédiction le 11 février 1946 par l’abbé CROCQUET qui prononça un sermon. L’abbé Jean MICHEL desservit la paroisse de Morne Des Esses de 1946 à 1950. C’est lui qui créa la jeunesse chrétienne catholique (JCC).

Vidéo Chemin de croix du Morne Des Esses

L’église fut abîmée après le tremblement de terre du 31 Mai 1946.

Des portes et quelques statues furent endommagées. Le séisme de mars 1953 entraîna un affaissement du clocher. La toîture fut entièrement refaite en 1976.

La salle paroissiale et le terrain adjacent furent achetés en 1947 à M. Saint Luce. L’abbé Marcel PULVAR (à l’ origine de rythmes locaux dans les chants religieux)  dirigeait  la paroisse en 1950. La paroisse du Morne Des Esses dessert plusieurs sous quartiers et notamment le quartier Pérou.

Un village d’artisans

Les premiers habitants ont développé une importante activité artisanale dans la région. Apparaissent des vanniers, des maréchaux ferrrants (M. Dédé), des selliers (Ti Jo et Urbain) des tanneurs (M. François), des tailleurs potiers (M. Brassard de Saint Laurent) des bouchers (M. Joseph), des boulangers, des coiffeurs…

Ti Jo possédait une sellerie à la Rue Mulâtre. Il sellait les chevaux et mulets des habitations. Urbain, son gendre a pris sa relève. On a connu aussi M. Couty Sauphanor.  M. François possédait une boucherie et  trouvait sa matière première chez les bouchers du coin. Il utilisait les peaux de moutons, de bœufs, et fabriquait des sacs,  chaussures, selles… M. Amédée Pertays surnommé  Dédé, du quartier Félix, était maréchal ferrant et travaillait en étroite collaboration avec les habitations. M. Georges Brassard possédait une poterie avec un four en briques à Saint Laurent

Le Morne Des Esses est connu pour sa vannerie située à Spoutourne  qui regroupe une quinzaine d’artisans qui travaillent l’Aroman et le cachibou. Cette activité est dominée par quelques familles mulâtresses comme les Marie Louise, Crispin, Jean de Dieu, Sébastien qui perpétuent cette tradition au quartier Spoutourne.

Plusieurs distilleries cohabitaient :

– La distillerie Vaton qui fut créé en 1919 le long de la rivière du sous quartier Saint Laurent et qui appartenait à Mr Adrien Vaton. Le quartier était exclusivement planté en canne à sucre. On trouvait aussi sur les terres Vaton un moulin à sirop de batterie au lieu dit «Balin ».

– La distillerie Sainte Luce s’étendait sur les territoires du Gros Morne et du Morne Des Esses et plus particulièrement au sous quartier Saint Laurent.

– La distillerie Calixte à Beaufort  Saint Aroman.

Il existait une limonaderie appartenant à M. Dolor Clem (au niveau de la station essence actuelle). L’usine d’ananas de M. Edmond Huygues- Despointes se trouvait au sous quartier Calvaire, derrière le christ au lieu dit « En Mauvais »  et produisait de la confiture. C’est Eugène Huygues Despointes qui gérait l’entreprise. Il a réalisé une plantation de mahoganys dans les années 1930.

On se souvient des boulangeries Rolati et Marie louise (qui a remplacé la boulangerie Rolati) avec leurs fours à bois, des bouchers Boniface Stéphane, Jean De Dieu et  Joseph à la rue Mulâtre, des tailleurs comme M. Corneille, des commerçants Pain, Paola, Florimond, Doyen, Elie, Erimé. Plusieurs cases à farine existaient dans le quartier (Florimond, Gassette, Baratiny) dont celle de Saint Aroman. Le quartier Saint Aroman accueillait une Case à farine appartenant à M. Germany.

L’habitation Combat ou Gélie

L’habitation Combat se trouve entre le Morne Des Esses et Bon Air . Elle a une superficie de 32 hectares et s’étend sur plusieurs sous quartiers du Morne Des Esses.

Cette habitation appartenait à la famille Laguarigue qui avait une unité sucrière au Galion à Trinité. D’ailleurs les cannes à sucre qui étaient plantées sur les terres de Combat alimentaient l’usine du Galion. L’habitation fut vendue à M. Claude Gélie, un ouvrier de l’usine de Trinité. Associé à ses frères il fit l’acquisition de cette propriété en 1923 et continua à planter de la canne à sucre  au profit de l’usine du Galion. Quelques temps plus tard, on pratiquait sur ces terres de l’élevage et de la culture d’ananas puis de la banane.

L’habitation fut louée au planteur  Gouyer (originaire du Morne Rouge) puis à M. Simonet qui possédait la distillerie Saint Etienne.

Une bonne partie de ces terres a été vendue à la ville et a permis la construction du terrain de football et du collège du Morne Des Esses ainsi que quelques logements sociaux.

De la fête de Saint Laurent à la fête du Morne Des Esses 

 

Saint Laurent : sa fête, un article de Daniel Eliazord  

En ce temps- là, Sainte Marie était dans un état stagnant, le maire faisait loi …

Les affres du marasme poussent quelques jeunes d’un coin très reculé, Saint Laurent, à créer un comité de quartier avec à la clef   » un maire  »  qui a pour but de réveiller la population : coup de main, manifestations,  etc.…

Première élection : élu André Mipoudou face à Isnard Laposte.

http://les redoutables du Morne Des Esses

En moins de temps qu’il ne faut pour souffler trois fois dans la conque de lambi, la première route de Saint Laurent est tracée. Après l’effort le réconfort bien sur. Petit problème au niveau de la caisse du comité, démission du « maire », nouvelle élection et Jules Marcelline est élu. Isnard Laposte est  battu une nouvelle fois.

Réunion du comité, pour récompenser la population : une fête sur trois Dimanche … Un podium en planches et en bambou est dressé.

La nouvelle fait le tour du Morne Des Esses et des environs. Les Chevrolet de M. Dolphin, la Diamond de M. Jean Baptiste (Bois lézard) et la Ford de M. Paola ne cessent de déverser un public important sur les lieux de la fête, face à chez M. Paul Elie qui verra naître plus tard le cinéma Palace de M. Sainte Luce.

video Ambiance tambou 

Pour l’ouverture de la fête, une retraite aux flambeaux partant de Saint Laurent fait le tour du Morne Des Esses. Pour un coup d’essai, ce fut une réussite populaire.

Il n’y avait pas de sono, pas de micro, pas de moyens techniques et tout un chacun, à la lueur des « Sèbis»  pouvait s’exprimer sur le podium aux rythmes du « bèlè » et du damier sans parler de la clarinette d’Edmond Palcy ou du bal dans la paillote municipale tandis qu’en parallèle, les jeux, les courses et les concours drainaient un important public. L’ordre et le respect étaient maintenus par la vigilance des policiers de fortune, feu Edgard Largange et feu Mozard Marcelline.

Cette fête n’a eu lieu qu’une seule fois puisque l’année d’après, le nouveau maire de Sainte Marie comprenant l’envie de bien faire qui animait ces jeunes leur offrait la fête du Morne Des Esses.

C’était, il y a 34 ans de cela, d’après la mémoire infaillible de Jules Marcelline ! Pardon, M. Jules Marcelline…

Aujourd’ hui un fils de Saint Laurent, avec une équipe d’amis veut reprendre le flambeau, veut faire revivre la fête de Saint Laurent.

Joseph Elie qui, bambin, traînait ses savates, du pont Sainte Luce au Morne Macroix ou du Morne Macroix à Dumoulin espère les 8, 9 et 10 avril faire couler des larmes de bonheur sur les joues déjà ridées par le soleil, le travail, l’expérience et la sagesse de Chancelle Marie Louise ou encore Jules Marcelline.

D.Eliazord  

Fête patronale du Morne Des Esses : 25 Janvier

Instituée en 1983, par l’ancienne municipalité de Guy Lordinot, la fête du Morne Des Esses était fixée le 22 mai, le jour de la commémoration de l’abolition de l’esclavage.

Le maire de Sainte Marie, Bruno Nestor Azérot  et son conseil municipal ont décidé de revoir la date en tenant compte de la tradition des fêtes patronales. Ainsi, c’est la date du 25 janvier qui a été retenue.

Cette date correspond à la « Conversion de Saint Paul », le saint patron de la paroisse du Morne Des Esses. La ville de Sainte Marie compte deux paroisses : Sainte Marie qui est dédiée à notre Dame de l’Assomption (15 Aout) et Morne Des Esses dédiée à saint Paul De Tarse.

D’origine moyenâgeuse, et organisée en l’honneur du saint patron, la fête patronale se confond avec la fête du village. La paroisse constituait à l’origine le centre de la vie quotidienne des habitants du village. Tous les actes essentiels de la vie quotidienne se déroulaient autour de l’église : baptême, mariage, sépulture mais aussi des temps forts comme les foires, les kermesses qui étaient organisées par le conseil de fabrique (aujourd’hui, conseil  paroissial).

Toutes les fêtes du village ou de la paroisse comportaient un aspect religieux puis civil. Les fêtes patronales sont un héritage européen  de la tradition chrétienne. Chaque année les habitants de la paroisse se retrouvaient à la même date pour célébrer le saint patron de la paroisse. Dès le Moyen Age, les corps de métiers regroupés en corporations célébraient leur Saint patron dont les plus célèbres : Sainte Barbe, Sainte Cécile ou Saint Eloi. Ces fêtes débutaient à l’église par la messe et se poursuivaient dans les rues par une procession avec en tête la statue du saint et sa relique.

A l’issue du défilé, les habitants se retrouvaient autour d’un grand festin et de jeux. La fête de la paroisse est l’occasion pour les habitants du village de se retrouver autour de l’église et de la municipalité car, très tôt, l’église et l’état se confondaient, l’organisation de la fête était commune et les autorités se devaient d’être en tête du cortège tout près du curé.

Vidéo Saint Paul De Tarse

Lerandy Luc

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Ancien professeur d’histoire et de géographie, il a participé régulièrement à la vie culturelle de sa ville. Animateur, membre d’associations, il est aussi un passionné d’histoire. il s'intéresse plus particulièrement à l'histoire de Sainte Marie et à celle des trains des Plantations à la Martinique.